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2008/2009 Années de la marionnette


 

LA MARIONNETTE : ART VISUEL

Parce qu’il représente un langage artistique en profonde adéquation avec le monde actuel, l’art de la marionnette est aujourd’hui reconnu sans conteste dans le paysage artistique et culturel contemporain.

Utilisant les codes visuels, permettant d’exprimer l’abstraction, modifiant les points de vue de l’interprétation, les arts de la marionnette se sont affirmés depuis les débuts du 20ème siècle comme un langage théâtral à part entière.

Un art des sens différent

La marionnette : art visuel. Certes. Mais que signifie «visuel» quant à la construction du sens ? Faut-il l’entendre par opposition à la parole ? Comment interpréter cette «caractéristique» ? Dans son ouvrage Le Théâtre et son Double, Antonin Artaud écrivait : «Je dis que ce langage concret, destiné aux sens et indépendant de la parole, doit satisfaire d’abord les sens, qu’il y a une poésie pour le sens comme il y a une poésie pour le langage, et que ce langage physique et concret auquel je fais allusion n’est vraiment théâtral que dans la mesure où les pensées qu’il exprime échappent au langage articulé». Partant de cette citation, Danièle Virlouvet précise : «tout ce qui est visuel touche à des sens différents que ceux que l’on mobilise par la parole». La marionnette développe un langage composite où la parole ne forme pas l’unique vecteur du sens.

Visuel mais non naturaliste

Bien qu’objet visuel, visible, matériel, la marionnette ne produit pas un théâtre d’essence naturaliste. Tout au contraire. La forme concrète offre une interface physique où la pensée peut se projeter et « s’objectiviser ». Ce génie singulier de projeter la pensée sur la matière et de la rendre éloquente fonde l’irréductible originalité de l’art de la marionnette, qui fonctionne par symbole et métonymie via l’imaginaire. Et cette faculté ne relève pas de la question de la figuration. Dénuée de psychologie intrinsèque et d’affects, une figurine peut immédiatement être investie d’une identité. "Elle ne joue pas, elle « est ». Elle se rapproche ainsi du théâtre de masques. Plus, en l’absence de la chair, elle pointe la présence de l’être. Comme le soulignait déjà Kleist, elle touche à l'essence même de la théâtralité, alors que le naturalisme du corps du comédien menace toujours d’étouffer le personnage.

D’ailleurs, le processus d’identification au personnage s’opère différemment : par osmose empathique avec un acteur, il fonctionne par transfert et projection mentale sur l’objet.

au-delà du réalisme, sous les réalités apparentes, elle nous permet de revisiter nos mythes pour «donner du sens» au présent. Elle est l’instrument idéal d’un langage nouveau et poétique».


« A la frontière où s’arrête le pouvoir d’expression du corps humain, le royaume de la marionnette commence». Gaston Baty

 

babil2-1.jpg De par sa dualité fondamentale, c’est-à-dire son analogie à l’humain mais sa qualité ultime d’objet inerte, la marionnette apporte le décalage nécessaire par rapport au réel pour conférer au propos et aux émotions une dimension universelle. Elle offre un support fantastique à l’imagination la plus libre et la plus transgressive. S’échappant du carcan de la représentation réaliste, elle permet d’aborder des thèmes avec une crudité que la présence charnelle du comédien rend, sinon impossible, du moins périlleuse, comme la violence, la mort ou la sexualité.

Evelyne Panato, directrice de la Maison du Geste et de l’Image : «en tant qu’art visuel, elle capte quelque chose de l’invisible : elle dit l’au-delà de ce qui est montré». Elle procède comme un révélateur «en creux» : la chair absente questionne le corps ; la chose la représentation du vivant ; la poupée notre attitude face aux stéréotypes de la beauté ; l’objet ce qu’il représente socialement, affectivement… Utilisée avec d’autres disciplines artistiques, comme la danse ou le théâtre d’acteurs, elle en révèle l’essence : l’inertie interroge le mouvement, l'apesanteur de l’objet manipulé renvoie aux lois de la gravité, à l’engagement corporel du manipulateur… «Il y a une réversibilité du processus de la manipulation. Le sujet agit autant sur l’objet qu’il est agi par l’objet. Qu’est-ce que l’objet révèle de nous-mêmes ?» ajoute Evelyne Panato.
 
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